Everybody's Weird, le weblog

29 mars 2003

Source vive
A la radio, à la télé, dans la presse, une seule obsession aujourd'hui : la source. Rarement ces dernières années a-t-on assisté à une telle mise en représentation de l'intégrité journalistique. Chaque parcelle d'information est désormais livrée avec son origine : l'Agence Machin, le Ministère Bidule, l'Organisation Truc. « Voyez comme je suis prudent et professionnel ! »
Qui sait combien de vocation sont nées devant un cliché de Robert Capa durant la Guerre d'Espagne ? La Guerre, le grand processus de régénération journalistique, le bain de jouvence de la Profession, le point zéro de sa praxis.
Le journaliste ces jours-ci mesure bien l'irréconciliable de ses deux attributs martiaux : le devoir d'informer et la nécessité de désinformer (ou l'impossibilité de ne pas le faire, ce qui revient au même). Pris dans ce double feu meurtrier, il cite, il signale, il use de la majesté du conditionnel.
Pourtant chacun sait, l'orateur sait, le récepteur sait, l'orateur sait que le récepteur sait, chacun sait que tout cela n'est que vain remplissage, sans rapport avec la réalité nécessairement cachée d'un conflit, sans même de potentiel analytique global. Chacun sait que les premières "vérités" ne nous seront livrées que d'ici un an ou deux, lorsque sortiront les premières enquêtes documentées, les premiers documentaires sérieux, lorsque le temps de l'intelligence analytique, dans sa "désespérante" lenteur, arrivera à ses premiers résultats.
Devant cette évidence, quelques voix timides et dérisoires s'élèvent, et réclament, en toute logique cartésienne, le black-out des "informations" sur cette "Guerre". Pourquoi diffuser un discours lorsque personne, de l'émetteur au récepteur, n'ignore qu'il est infondé ?
Et ces indignations touchantes, avec limpidité, nous paraissent extrémistes. La presse doit continuer à faire son travail, chacun — et moi le premier — en est persuadé au fond de sa conscience.

Entre le silence et le mensonge, nous choisissons le mensonge.
Voilà qui en dit long sur notre démocratie médiatico-parlementaire et notre incommensurable orgueil.
[ posté à 11:08 | perma-link ]  
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