Everybody's Weird, le weblog

14 février 2002

Lis tes ratures
Un anonyme familial m'a offert le dernier roman d'Yves Simon à Noël, que je viens de trouver le temps de commencer, respiration bienvenue entre deux cauchemars peuplés d'Anciens ou de Profonds.
J'ai ouvert La voix perdue des hommes avec un préjugé favorable, son auteur étant par ailleurs un musicien qui semble cultiver une salutaire discrétion médiatique. Une sorte de Jérôme Attal un peu plus âgé.
Ceci étant posé, je dois m'excuser immédiatement auprès de ce dernier pour la comparaison. La voix est une fatiguante accumulation de clichés, le genre d'oeuvre que l'on croirai sortie des nuits blanches du premier élève d'hypokhâgne venu, et pas le dixième ou quinzième roman d'un homme mûr.
Ainsi donc, il ne vous sera epargné aucunes des ficelles usées du "roman contemporain" : les allitérations surfaites (« ...complaintes et raps méchants, la ville chante les maldonnes de départ... », « ...la pestilence des silences avait sa préférence. »), les effets de contraste sans originalité (une grosse allusion sexuelle entre deux tirades philosophico-religieuses ; subversif en 1957 ?), les phrases d'un ou deux mots, sans verbe, qui se targuent de compléter les précédentes, les narrations de la propre vie de l'auteur de point en point (merci Kundera), les personnages archétypés (le vieux yougoslave désabusé et photographe, merci Pennac), la beauté qui nait au milieu des ordures, beaucoup de sexe triste pour se montrer obsedé et misérable (en vogue grâce à Houellebecq) et bien sûr le choix d'un mot compliqué quand existe un mot simple, pour l'effet de "poésie en prose" et la justification du mot "écrivain" sur le dossier de presse. Et je crois que quelques pages après le point où j'ai abandonné ma lecture, il y a une pute-au-grand-coeur.

Bientôt le film, par Jean-Pierre Jeunet.

Pour être franc, je n'ai pas eu la force de dépasser la première partie, soit un septième du roman. Peut-être le reste est-il formidable. De même pour les autres livres de cet auteur. Mais dans le doute, je m'abstiendrai de dépenser mon temps avec ceux-ci et le passerai plutôt en compagnie de Jérôme, qui me fascine, ou d'Ophélia, qui — elle — me bouleverse.
[ posté à 12:14 | perma-link ]  
Everybody's Weird, weblog en ligne depuis août 2000 • contact